Nelly Meunier est l’une des co-fondateurs de Sunday, start-up bordelaise permettant de récréer du lien social pour les seniors isolés. La Sunday Box est une box qui se branche sur la télévision des grands-parents et grâce à laquelle ils peuvent recevoir les photos et vidéos envoyées par leurs familles. Recréer du lien de l’arrière petit-fils à l’arrière grand-père en toute simplicité, c’est l’idée de Sunday.
Interview à lire ci-dessous ou à visionner sur la Lucky TV.
Lucky Link : Comment avez-vous eu l’idée de créer Sunday ?
Nelly Meunier : C’est vraiment une histoire de famille. Il y a quatre ans, j’habitais aux États-Unis, ma sœur était en Chine et mon frère à Londres. Nous étions tous dispersés sur le globe. Ma grand-mère, de son côté, était alitée en maison de retraite. C’était donc plutôt difficile d’échanger avec elle car il n’y avait pas les moyens de communication actuels. Nous avons alors bricolé un petit boîtier, que nous avons branché derrière sa télé. De cette façon, elle a pu recevoir toutes nos photos directement sur sa télévision. Nous nous sommes vite rendu compte que c’était devenu sa chaîne de télévision préférée parce qu’elle pouvait nous suivre dans toutes nos aventures sans bouger de son lit.
Sunday est donc vraiment parti d’une histoire de famille. Nous n’avions pas vocation à ce que cela devienne ce que c’est devenu, mais nous n’étions pas les seuls dans cette situation de besoin de reconnexion. Même les professionnels de santé ont montré qu’il y avait un intérêt à reconnecter les séniors, leur rappeler des souvenirs via les photos est positif sur leurs fonctions cognitives. Développer Sunday avait donc vraiment du sens.
« La crise du Covid a souligné l’importance de ce lien social et familial, qui est simple, mais vital. »
Lucky Link : Peut-on dire que Sunday est une entreprise engagée dans la santé ?
Nelly Meunier : Oui, c'est une entreprise engagée dans la santé car nous sommes de plus en plus présent dans les établissements de santé comme les EHPAD et les résidences seniors.
Récemment, nous avons fait une opération pour les enfants dans les services pédiatriques des hôpitaux, afin de les reconnecter, eux aussi, au reste des membres de la famille.
Sunday est engagée dans la santé car c’est un outil qui facilite la reconnexion familiale qui est vraiment importante pour nous. C’est en quelque sorte « le médicament du bonheur ». Le manque de lien social entraîne des problématiques de santé. Lorsqu’on est seul, isolé, en fracture digitale, cela entraîne des pathologies qui sont démontrées. D’ailleurs la crise du Covid a souligné l’importance de ce lien social et familial qui est simple, mais vital.
« Nous avons vraiment ressenti […] une volonté des cadres de santé et des professionnels soignants pour faciliter ce lien entre les enfants malades et leurs familles. »
Lucky Link : Que s’est-il passé pendant le COVID pour Sunday ?
Nelly Meunier : Pendant le Covid, nous avons établi un partenariat avec l’association Laurette Fugain. L’idée était d'équiper les hôpitaux pour enfants des services hémato-pédiatriques de la Sunday Box. Pour tous les enfants atteints de cancer, qui sont dans des chambres stériles et qui sont isolés, la crise du Covid a été une double peine : ces enfants étaient, non seulement en hôpital et en plus, ils n'avaient pas l'accès de leur famille. Nous voulions permettre à ces familles de garder du lien simplement. la télécommande de la Sunday Box est en forme de coeur. Les enfants adorent l’attraper et ça leur permet de recevoir les photos de leurs frères et soeurs, et de garder ce lien qui est hyper important. De plus, nous avons vraiment ressenti qu'il y avait une volonté des cadres de santé et des professionnels soignants pour faciliter ce lien entre les enfants malades et leurs familles grâce à une solution simple. Nous avons fait des tests avec les hôpitaux Robert-Debré et Necker à Paris, les résultats ont été plus que positifs, nous avons alors continué cette opération.
« Le Covid a été une preuve que le lien social est primordial et qu’il y a besoin de le conserver. »
Lucky Link : Avez-vous participé à d’autres actions durant cette crise sanitaire ?
Nelly Meunier : En parallèle, nous avons également collaboré avec la Fondation des hôpitaux de Paris, Hôpitaux de France et la Fondation Boulanger, qui a déployé plus de 40 000 tablettes dans les EHPAD, dans le cadre du programme « Un monde de liens ». Nous avons développé une fonctionnalité appelée Sunday Play, qui permet d’avoir accès à Sunday mais sans la box. Ainsi les résidents des EHPAD pouvaient consulter toutes les photos et vidéos de leurs proches via l’application sur leurs tablettes. Pour nous, le Covid a été une preuve que le lien social est primordial et qu’il y a besoin de le conserver. C'est comme ça qu'on a décider d’axer tous nos développements futurs sur les questions de « Comment recréer du lien ? Comment remettre les personnes isolées au centre de la famille ? ».
« Il y avait une volonté d’aider dans une situation où tout le monde est touché. »
Lucky Link : Quel regard portez-vous sur l’élan de solidarité des entreprises face au Covid ?
Nelly Meunier : C'était très impressionnant dans le sens où on était tous au même niveau, qu'on soit des grands groupes ou des start-ups. Tout le monde a été touché de la même manière. On s'est rendu compte qu'effectivement, au lieu de se diviser, il valait mieux se regrouper et agir sur des actes de solidarité. Chaque jour, on découvrait de nouvelles façons d'aider. Tout le monde s'est associé. C'est ça qui était intéressant, c’est des grands groupes qui ont voulu faire des actions concrètes avec des petits groupes et ce n'était pas du vent. Ces collaborations allaient au-delà du marketing et de l’image de l’entreprise. Il y avait une volonté d'aider dans une situation où tout le monde était touché. Chacun a fait par rapport à ses ses possibilités. Tous ces partenariats se sont mis en place relativement naturellement et de façon ascensionnelle. Selon moi, c’est l'avenir de s’entraider. Toute cette solidarité qui s'est créée est essentielle, surtout de nos jours, avec toutes les problématiques auxquelles nous faisons face, qu’elles soient environnementales, sociales ou sociétales. L'entraide est essentielle et la prise de conscience collective aussi, nous l'avons vraiment ressenti.
Lucky Link : Selon vous, l’entreprise doit-elle être engagée face à ces grands enjeux, notamment dans la santé ?
Nelly Meunier : L'entreprise a un rôle à jouer face à ces grandes problématiques. Il faut que chaque entreprise se positionne sur comment améliorer ses services afin d'anticiper certains besoins. Comment prendre soin de ses équipes, de ses clients ? Avec le Covid, la manière d’échanger avec les autres a évolué. Nous avons senti qu’il y avait du « prendre soin » avec les phrases « Prenez soin de vous et de vos proches », c’était bienveillant. Les relations n’étaient plus purement axées business, beaucoup d’humanité y est apparue. J’ai l’impression que le fait d’être plus humain dans les façons d’échanger va rester dans les habitudes.
« Parfois, dans la santé, le mot ‘entreprise’ est presque considéré comme une offense. »
Lucky Link : Quel regard portez vous sur la collaboration entre associations et entreprises ?
Nelly Meunier : Parfois, dans la santé, le mot ‘entreprise’ est presque considéré comme une offense. Chez Sunday nous l’avons vécu, nous avions l'impression d’être « les méchants », alors que ce n'est pas du tout la volonté. Nous voulons créer de l'emploi, de la valeur, etc. À côté de l’entreprise, il y a le monde associatif qui est sur d'autres dynamiques, d'autres deadline, d'autres créneaux. Nous n’avons pas les mêmes rythmes et les stratégies sont différentes. Cependant, il est important que ces deux mondes puissent échanger et travailler ensemble. L’association a un regard très humain, nous l’avons vu avec l’association Laurette Fugain où toutes les actions portées font du bien à l’enfant. L’association a besoin de l’entreprise puisque c’est nous qui apportons l’outil qui va permettre de continuer à créer du lien. C’est essentiel que tout cet écosystème interagissent de façon permanente, il faut vraiment être liés dans la façon de travailler.
Lucky Link : Selon vous, que manque t-il aujourd’hui pour faciliter ces partenariats entre associations et entreprises ?
Nelly Meunier : Je pense que c'est la perception de l'entreprise dans le secteur de la santé qui n'est pas encore claire. J’ai l'impression que parfois la presse ou les organismes de santé ne veulent pas faire la promotion des entreprises. Quelque part, on dirait que nous ne pouvons pas parler de nous, que nous devons nous cacher. Nous trouvons ça assez dommageable parce que nous apportons aussi de la valeur et on a besoin de nous. Au lieu de pousser des sociétés et des start-ups françaises à s’engager et à sortir des solutions, il y a le désamour des patrons qui ressort. Cet aspect-là est encore trop ancré en France et je trouve que c’est dommage.
« Je pense qu'on peut très bien faire du social, être une société pérenne et apporter de la valeur au monde sans forcément détruire toute la planète et s'enrichir »
Lucky Link : Quelles difficultés rencontre-t-on quand on est une entreprise engagée ?
Nelly Meunier : La difficulté c’est qu’en France on ne peut pas parler d’argent, alors que sans argent on ne fait rien. Bien sur que derrière les entreprises il y a de l’argent mais derrière les associations aussi, sauf qu’on appelle ça des subventions. Je pense qu'on peut très bien faire du social, être une société pérenne et apporter de la valeur au monde sans forcément détruire toute la planète et s'enrichir. Il y a ces deux mondes qui se confrontent et on ressent vraiment ce clivage « Si tu fais du social, montes une asso. » Mais ce n’est pas ce dont j’avais envie. Je voulais plutôt changer le système de l’intérieur en rendant cela possible par une entreprise. Dans le monde dans lequel nous vivons, si notre génération ne travaille pas dans cette optique, alors autant laisser tout tomber et prier pour qu’Elon Musk nous envoie sur Mars ! Si nous continuons le capitalisme qui a été fait avant nous, nous allons droit dans le mur. Tout s’effondre aujourd’hui.
Lucky Link : Qui aimeriez-vous voir interviewer sur les ondes de la Lucky Tv ?
Nelly Meunier : Je penserais à Stanislas de Doctolib. Je pense que ça doit être quelqu'un qui a un regard assez intéressant en termes de start-up santé.
Lucky Link : Un mot pour finir ?
Nelly Meunier : Je vous souhaite beaucoup de chance sur cette reconnexion entre les différents mondes associatif, santé, entreprise. Je pense qu'il y a énormément de choses à faire. Nous serons toujours, en tout cas, à disposition pour soutenir cet élan. Je pense qu’il est très important.
Lucky Link : Merci à vous. Quel challenge lanceriez-vous à Lucky Link ?
Nelly Meunier : Il serait intéressant de voir si vous êtes capable de changer la dynamique auprès des acteurs de la presse sur le regard des entreprises. Bonne chance !
Propos recueillis par Oriane Bismuth et Laurine Pucel-Bastié
Si cet article vous a intéressé, voici quelques articles à (re)lire sur notre blog :
Au sujet de l’engagement des entreprises
Au sujet des partenariats entre associations et entreprises
Comments