Instinkto a été créé en 2017 par Maxime Barluet de Beauchesne, Anne-Laure Romanet et Simon Dinin. C'est un collectif de facilitateurs humanistes, c'est-à-dire qu'ils accompagnent les organisations vers un fonctionnement plus responsable. Dans cette interview, Maxime de Beauchesne nous parle de raison d'être et d'engagement.
Interview à retrouver sur la Lucky TV :
Lucky Link : Pouvez-vous vous présenter ?
Maxime Barluet de Beauchesne : Je m’appelle Maxime Barluet de Beauchesne. Je me présente souvent comme humaniste, c’est une manière de dire que je suis un amoureux de l’humain et notamment de sa capacité à faire des actions collectivement qui dépassent l’individu seul. Plus concrètement je suis facilitateur et j’accompagne les entreprises sur la question de « raison d’être », des projets et des valeurs d’équipes.
Lucky Link : Pouvez-vous nous présenter votre collectif Instinkto ?
Maxime Barluet de Beauchesne : On a décidé de créer Instinkto qui a pour vocation d’accompagner les organisations qui ont envie de participer à la transition sociétale pour faire en sorte qu’elles puissent être les plus pertinentes et les plus efficaces possible.
"Aujourd’hui, maintenant, qu’est-ce qui m’anime ?"
Lucky Link : Qu’est ce que signifie la raison d’être pour vous ?
Maxime Barluet de Beauchesne : La définition que j’aime le plus me vient des Instituts des futurs souhaitables : « La raison d’être c’est : exprimer l’expression de ce qui est vivant en nous, en l’instant présent pour se guider vers un futur souhaitable ». Concrètement, cela veut dire qu’on va s’écouter, c’est une démarche rétrospective afin de se demander : aujourd’hui, maintenant, qu’est-ce qui m’anime ?
Quand nous sommes en collectif, cette démarche peut se réaliser ensemble : qu’est-ce qui porte le groupe ? Qu’est-ce qui nous anime tous ?
J’aime aussi décomposer simplement le mot raison d’être, qui vient expliquer pourquoi une entreprise existe.
Lucky Link : Selon-vous, comment est-il possible de lier raison d’être et activité ?
Maxime Barluet de Beauchesne : Je ne conçois pas que mon activité ne puisse pas être alignée avec ce qui m’anime. Du coup, selon moi, la raison d’être vient exprimer ce qui m’anime, ce qu'est mon activité très concrètement. Pour des entreprises qui ne se sont jamais posé la question, cela doit sûrement nécessiter de faire évoluer son activité.
Pour moi, le fonctionnement a été inverse. Même si la raison d’être évolue au fur et à mesure, je suis partie de ma vision de la raison d’être pour créer mon activité. Ce qui est probablement plus simple, que pour une entreprise qui ne s’est jamais posée la question et pour qui ce schéma-là est nouveau.
"Si tout le monde s’écoute alors cela finira par s’équilibrer."
Lucky Link : Quels conseils donneriez-vous aux entreprises qui veulent améliorer leur impact sociétal ?
Maxime Barluet de Beauchesne : Souvent sur la question de la raison d’être, je joue avec le mot pourquoi, que l’on peut exprimer en un seul mot : pourquoi, mais aussi en deux mots : pour quoi. Selon moi, la raison d’être vient se placer sur le pourquoi, en un mot, car il invite une réponse beaucoup plus introspective. Ce pourquoi implique en fait la question pour quel impact. Cela va mener à des réactions et des réponses qui seront différentes. Grâce à cette question, on sort de la dynamique très rationnelle de se demander : qu’est-ce-qu’il faut pour la société ? Il existe une multitude de causes, et bien prétentieux serait celui qui serait en capacité de les hiérarchiser ou de dire quelle cause est la plus importante.
Je pense qu’il y a une interdépendance dans ce cas, au lieu de se demander ce qu’il faut pour la planète, il est préférable de nous demander ce qui nous anime. Les choses sont bien faites selon moi, et si tout le monde s’écoute alors cela finira par s’équilibrer. On va créer un équilibre, beaucoup plus durable parce que en s'écoutant, on devient plus endurant.
Lucky Link : Est-il indispensable pour une entreprise de s’engager ?
Maxime Barluet de Beauchesne : Je pense que les entreprises doivent jouer un rôle et se positionner sur ce à quoi elles servent, afin de bâtir une activité économique qui va elle-même servir. Si l’entreprise le fait de manière la plus durable et responsable possible alors cela devient important. C’est cette vision de l'engagement pour l’entreprise que j’ai envie de défendre. Malheureusement cette vision n’est pas indispensable pour les entreprises car elle n’est pas encore généralisée.
"L’objectif c’est de venir déconstruire les vérités, les fatalités qu’on a sur le mot entreprise."
Lucky Link : Le projet Contes à rendre, pouvez-vous nous en parler ?
Maxime Barluet de Beauchesne : Cela fait un moment que je réfléchis à la question des imaginaires collectifs et sur leurs impacts. Souvent on associe un imaginaire à ce qu’est le monde de l’entreprise. Je constate que cet imaginaire peut vraiment nous limiter dans notre manière d’appréhender l’entreprise de demain. S’engager aujourd’hui, ça ne passe pas par l’entreprise dans beaucoup de pensées. Du coup, pour pallier à cela, on a créé avec Instinkto, une semaine de réflexion qui a pris le nom de contes à rendre. On a décidé de l’écrire comme les contes, les histoires à cause de ces imaginaires. On veut faire passer le message de la nécessité à abandonner ces imaginaires-là pour arriver à penser les entreprises de demain.
L’objectif c’est de venir déconstruire les vérités, les fatalités qu’on a sur le mot entreprise. Souvent on se cache derrière des phrases types comme « mais c’est le monde de l’entreprise, c’est le monde du business ». On voit une sorte de fatalité car le monde de l’entreprise d’aujourd’hui ne plaît pas, mais c’est comme ça, alors on ne fait rien.
Lucky Link : Chez Lucky Link, nous cherchons à sensibiliser les entreprises à créer des projets à impact positif avec les patients, que pensez-vous de l’approche "patient centric" ? Et de cette sensibilisation ?
Maxime Barluet de Beauchesne : Je pense que l’approche "patient centric" devrait être un réflexe dans la santé. Se dire que l’on part toujours du bénéficiaire et qu’on arrête de penser pour eux parce que sinon on ne conçoit pas des solutions adaptées. Donc, il faudrait repartir du patient pour concevoir une approche pertinente. Nous sommes tous des êtres interdépendants et on a vraiment de belles choses à faire, il est intéressant d’arriver à travailler avec les salariés, les bénéficiaires mais aussi avec les associations et de nombreux autres acteurs. En réalité la diversité de notre écosystème sera pertinent quand on sera résiliant et que l’on ne fonctionnera plus comme avant. Travailler en collaboration avec efficience, ça me semble, quoi qu’il arrive, être une très belle démarche.
"Je pense donc qu’il faut aujourd’hui penser à la mort des entreprises."
Lucky Link : Pouvez-vous nous parler d'un concept relier à la raison d'être des entreprises ?
Maxime Barluet de Beauchesne : En ce moment je trouve intéressant le concept de mort chez les entreprises. Je rédige notamment un article sur la mort des entreprises et leurs difficultés à l’imaginer. Nous avons beaucoup de mal à se dire que l’entreprise peut s'arrêter alors que c’est très fréquent de voir des entreprises fermées. Et souvent on voit cette fin comme quelque chose de violent, d’assez brutal. Je pense que cette vision est à reconsidérer. Se dire que si l’entreprise ne participe plus à un futur souhaitable, en reprenant mes propos sur la raison d’être, alors elle peut mourir.
L’entreprise peut se dire qu’aujourd’hui, elle ne veut pas abandonner tous ceux qui dépendent d’elle mais dans un même temps elle sait qu’elle participe à quelque chose de négatif. Elle doit donc se poser la question de : comment se préparer à la fin d’une manière plus apaisée ? Comment faire en sorte que tous les salariés trouvent un travail qui correspondent à leurs qualifications ou un travail de transition ?
Lucky Link : Le mot de la fin ?
Maxime Barluet de Beauchesne : Je trouve que la période que l’on vit est géniale car elle fait peur. Il y a énormément de risques et de dangers extérieurs mais qui permettent de se réinventer. Ce côté-là, je le trouve vraiment enthousiasmant, assez énergisant et excitant. Donc, je trouve que Lucky Link est une chouette idée car vous faites partie de ceux qui ont envie et qui essayent.
L'ensemble des propos cités ont été recueillis lors d'une interview réalisée et montée par Oriane Bismuth, Roxanne Hosdey et Annaëlle Guiot
Si cet interview vous a intéressé, voici quelques articles à (re)lire sur notre blog :
Au sujet de l'approche "patient centric" :
Au sujet de la coopération entre entreprise et associations :
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