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Agilité, Coopération et Engagement d'entreprise vu par Jean-Marc Guillemet, COO de Petit Bateau

Dernière mise à jour : 15 juin 2020


[Interview Lucky TV#2]


Jean-Marc Guillemet est le directeur des opérations depuis 2019 chez Petit Bateau basé à Troyes dans l’Aube. Dans cet interview, il revient sur les événements de la crise COVID-19 qui ont amené l'entreprise à la marinière à s'engager dans la création de masques de protection contre le virus.


Interview à lire ci-dessous ou à visionner sur la Lucky TV.




Lucky Link : Quelles actions Petit bateau a réalisé pour lutter contre le Covid-19 ? 


Jean-Marc Guillemet : Les actions ont été de deux sortes pour répondre à la crise sanitaire, très présente dans notre région Grand-Est. Nous avons décidé en quelques heures de nous mettre à produire des masques. Nous avons trouvé des partenaires locaux sur Troyes qui nous ont permis d'avoir la bonne matière, le bon modèle homologué et d'être capable de nous mettre en ordre de bataille pour produire des masques. Sur la base de volontariat, nous avons fait venir une vingtaine de personnes en configurant notre atelier de confection. Le lendemain, c'était quarante personnes qui ont travaillé à l’amélioration de notre production afin de fabriquer plus de masques par jour. Nous avons ainsi atteint les 7000 masques par jour grâce à ces personnes là. C'était le premier volet pour répondre à la crise sanitaire.


J'aime bien parler également de la crise économique qui est sous-jacente à la crise sanitaire. J'ai envie de parler des gens qui, dans mon entrepôt dès le premier jour, n'ont pas lâché pied et sont restés pour continuer, a, comme on dit chez nous, maintenir le bateau à flot sur base du volontariat, en mettant en place des mesures sanitaires très strictes. Pour cela, nous avons été aidés par notre infirmière, notre service de santé au travail, nos équipes RH. Nous avons été capables de continuer à travailler pour répondre au mieux à nos clients qui s'adressaient à nous. C'était un moyen pour nous de maintenir de permettre une activité économique dans cette période où tout aurait pu s'arrêter.

Lucky Link : Quelles difficultés avez-vous rencontrées pendant cette période ?


Jean-Marc Guillemet : Les difficultés étaient nombreuses puisque nous étions en terrain inconnu. Chaque minute, chaque heure, nous avions une nouvelle difficulté puisque nous faisions face à des situations jamais rencontrées jusqu'alors. On n'avait pas beaucoup de bouquins qui nous disaient comment faire. Il a donc fallu se réinventer complètement en étant créatif, tester très rapidement, et faire. 


« L'union fait la force et nous devons devons coopérer. »

Lucky Link : Petit Bateau a fait preuve d'une agilité assez incroyable pour répondre aux besoins de ces professionnels de santé. Que doit-on retenir de cet épisode ?


Jean-Marc Guillemet : Vous avez raison de poser cette question parce qu'au delà de ce qu'on a pu faire, la question est que peut-on faire perdurer pour la suite? Peut-on garder cet esprit ? Je suis convaincu que oui. Nous retenons pleins d'enseignements positifs. Nous avons démontré que nos équipes avaient un grand cœur et étaient capables de s'engager de manière assez extraordinaire sur des choses qui semblaient à priori impossibles. Nous avons montré que nous étions capables de nous adapter sans se poser trop de questions. En faisant, en testant, en s'ajustant au fur et à mesure. C'est une réelle force pour Petit Bateau.


Il me semble important d’insister également sur la notion de coopération. C'est parce que nous nous sommes associés à des confrères locaux que nous avons réussi à répondre très rapidement aux besoins. C’est un enseignement important pour la suite de se dire, si on n'était pas déjà convaincu, que l'avenir se joue à plusieurs. L'avenir se joue en coopération. L'avenir se joue en réseau. Nous avons tellement de sujets à affronter, tellement de défis à relever. L'union fait la force et nous devons devons coopérer. C'était une chance de trouver sur l'Aube des confrères avec qui nous avons pu établir ou renforcer ce lien. On a eu beaucoup de flux croisés avec une approche très différente que d'habitude. C'était un coup de fil, on se tape dans la main et c'est parti ! On sait que l'urgence, c'est de produire. L'urgence c'est de faire, on ajustera les détails après.



« On ne s'est pas dit "est ce qu'on va faire des masques ?". On s'est dit "comment va-t-on faire des masques ?". Quelques heures après, on avait la réponse. »

Lucky Link : Petit Bateau est une entreprise qui commercialise des vêtements pour enfants. Nous pourrions nous demander pourquoi devait-elle nécessairement s'engager contre cette crise sanitaire ?


Jean-Marc Guillemet : Le fait d'être au sein d'une région qui était durement touchée par la crise, nous a très vite marqué. Nous sommes une entreprise très engagée sur l'aspect RSE. Nous appartenons au Groupe Rocher, une des premières entreprises à mission où la place de l'homme dans l'entreprise est importante. Ce sont des sujets qui nous sont donc familiers. C'était une évidence. On ne s'est pas dit "est ce que l'on va faire des masques ?". On s'est dit "comment va-t-on faire des masques ?". Quelques heures après, on avait la réponse.


Lucky Link : Que pensez-vous de l'élan de solidarité des entreprises en cette période difficile ? 


Jean-Marc Guillemet : C’est formidable. Cela a révélé le meilleur de l’entreprise. L'entreprise est quelquefois quelquefois décriée. Moi, je suis un fou amoureux de l'entreprise. Cela fait plaisir de voir le côté positif de l'entreprise. Cela fait plaisir de voir cette industrie textile capable de se mobiliser en quelques jours pour répondre à la pénurie de masques. Cela fait plaisir de voir ces individus s'occuper de la cosmétique, de la pharmacie et autres, être capable de se mobiliser pour produire des gels hydroalcooliques.


Quand je dis "entreprise", je parle de toutes les personnes dans l’entreprise : patron, salariés, managers, ouvriers et avec tous les échelons intermédiaires. Tout le monde a sa place et son rôle. Tout cela a fonctionné parce qu’ils ont su se mobiliser sans se poser trop de questions.


Lucky Link : Que diriez-vous aux entreprises qui hésitent à prendre part à ces initiatives ? 


Jean-Marc Guillemet : Je leur dirais qu’elles passent à côté de quelque chose ! Parce que quand on croit à l'entreprise, on sait que le capital le plus important dans l’entreprise c'est l'humain. C'est ce genre d’initiative qui révèle le meilleur de nos équipes. C'est une opportunité car mine de rien nous avons pu activer des qualités qui sont plus que requises dans le monde d’aujourd’hui : Réactivité, Agilité, Tester pour avancer. C'est fondamental également pour le contexte hors Covid. 


« La crise que nous venons de vivre n'a fait que renforcer l'idée que nous regardions dans la bonne direction. En réalité, c'était juste le tempo qu'il fallait revoir : il faut aller encore plus vite. » 

Lucky Link : Comment pensez-vous que cette crise sanitaire fera évoluer les entreprises dans le futur ? 


Jean-Marc Guillemet : C’est une bonne question. Ce n'est pas évident. Je ne suis pas sûr que ça permette à tout le monde de basculer "du bon côté". Je pense qu'il y aura des irréductibles qui vont au contraire se renforcer dans leur position. Je ne crois pas aux miracles et au fait que tout se transforme du jour au lendemain. Par contre, pour ceux qui, comme nous, regardions dans la bonne direction, cela nous rassure en nous disant que c'est le bon chemin. Ce qui nous encourage à aller encore plus vite. En tout cas, chez nous, ce sont les enseignements que nous en tirons. Nous avions déjà des convictions et la crise que nous venons de vivre n'a fait que les renforcer. En réalité, c'était juste le tempo qu'il fallait revoir : il faut aller encore plus vite.


Lucky Link : Etre entreprise à mission, est-ce que cela change la donne pour Petit Bateau et le Groupe Roche ?


Jean-Marc Guillemet : Sincèrement, non. Comme le dit Brice Rocher, « Devenir une entreprise à mission, c'est d'abord régulariser notre situation ». Nous le sommes depuis 60 ans. Je suis provocateur quand je dis non, parce qu'en réalité, il y a une différence : Le fait de le dire nous oblige à nous engager encore plus. On faisait déjà beaucoup de choses avant et maintenant on a envie d'en faire plus, plus vite. C’est ce qui est bien dans ce côté officiel.


Notre mission est très claire : reconnecter les gens à la nature. C'est très important pour chacune des marques du groupe de se poser cette question : Comment Petit Bateau, connecte les enfants à la nature ? Comment reconnecter nos salariés à la nature ? Comment  connectons-nous nos clients à la nature ? Nous ne sommes pas là pour simplement vendre des produits. Nous sommes là aussi pour répondre à cette mission.


Nous parlions de collaboration locale tout à l'heure. Nous pouvons nous demander comment Petit Bateau, sur la ville de Troyes, est capable de travailler avec la municipalité, les écoles ou les associations qui l’entourent. Nous avons quelques initiatives et beaucoup de choses à faire encore. C'est très fédérateur de regarder dans une même direction.


Lucky Link : Selon vous, quelles sont les difficultés rencontrées quand on est une entreprise à mission ? 


Jean-Marc Guillemet :  Il faut le mériter. Il ne faut pas le prendre comme une manière de se faire de la publicité. Ce n’est pas une approche marketing. C'est très obligeant, donc la difficulté, c’est d'être à la hauteur de ce que cela renvoie et cela peut décevoir parce qu'on ne peut jamais être parfait sur ces sujets là. Nous avons une folle envie de progresser et d'être un peu meilleur chaque jour. C'est même au delà de nous, cela concerne tout notre écosystème : Comment je choisis mes partenaires, mes fournisseurs pour qu'ils soient le reflet de ce que nous sommes. Je les choisis pour qu’ils soient parfois meilleurs que moi sur un certain nombre d'aspects et qu’ils me servent de modèle pour que je puisse progresser. C'est une approche collective et gagnante avec tout cet écosystème. C'est avec toutes ces personnes-là que nous pouvons et devons progresser. 


« Le conseil c’est de donner pour recevoir »

Lucky Link : Chez Lucky Link, nous croyons fortement en la force des partenariats et de la co-création. Quel conseil pourriez-vous nous donner pour essayer d'embarquer d'autres entreprises dans cette aventure ? 


Jean-Marc Guillemet : Le conseil, c’est de tester, de ne pas réfléchir et d'agir. Le conseil c'est de donner pour recevoir. 


Lucky Link : Nous nous intéressons au sein de nos activités aux partenariats entre différents acteurs et notamment entre les acteurs associatifs et industriels. Quel regard portez-vous sur ce type de collaboration ?


Jean-Marc Guillemet : Je suis assez d'accord avec vous. Je pense que nous avons beaucoup de choses à faire là-dessus. Je suis parfaitement en phase avec cette approche. Quand ces mondes-là se rencontrent, on a souvent de très belles surprises. Quelles sont les associations autour de nous avec lesquelles nous pouvons travailler ? C'est un vrai sujet pour nous puisque notre cible est principalement les bébés et les enfants. Avec quelles associations qui s'occupent des enfants, pourrions-nous nous rapprocher pour collaborer ? Pendant la crise, nos actions ont été de faire des dons de masques ou de vêtements. Demain, on peut aller encore plus loin.


Lucky Link :  Merci beaucoup, un mot de la fin ? 


Jean-Marc Guillemet : Un mot, ce serait merci ! Vous contribuez à ce dont je faisais l'éloge tout à l'heure : Créer le réseau, créer les passerelles. Je vous encourage à créer des passerelles improbables. Faites moi découvrir des gens que je n'aurais jamais eu l'occasion de rencontrer et inversement. Faites moi découvrir à des gens qui n'ont jamais entendu parler de Petit Bateau ou qui sont très loin du textile. Je trouve que c’est ça qui est extraordinaire, si vous avez cette capacité de créer des liens improbables. 




Propos recueillis par Oriane Bismuth, Manon Mondésir et Roxanne Hosdey. 










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