Olivier Morice est le délégué général de l'association "Je t'aide", un collectif qui rassemble 30 structures parmi les plus historiques et les plus investies au sujet des aidants depuis ces dernières années. Le but est de faire porter la voix des aidants et de les représenter pour permettre de faire avancer leurs droits, leurs demandes et leurs reconnaissance.
Interview à retrouver sur la Lucky TV ou en version retranscrite ci-dessous.
Lucky Link : Que représente le collectif «Je t’aide» ?
Olivier Morice : L'association "Je t'aide" est un collectif qui s'est réuni autour de la date de la Journée nationale des aidants, qui a lieu tous les 6 octobre. Ces personnes étaient présentes 365 jours par an et avaient un réel besoin de se rassembler afin que, collectivement, nous soyons plus forts. Nous comptons 11 millions d'aidants qui demandent à être davantage représentés, à être entendus et reconnus.
Ainsi, nous avons créé une association pour permettre de porter la voix, les demandes des aidants et de les faire avancer dans la représentation de leur droit.
Cela est effectué à travers des actions de mobilisation citoyenne, des actions de médiatisation ou des actions de communication avec les réseaux sociaux, dans l'espace public, des affichages, des vidéos, des témoignages.
Autrement dit, tous les moyens qui peuvent aider à faire réaliser à tous qu'il y a une population immense d'aidants en France. Que si, peut être, chacun ne se sent pas concerné aujourd'hui individuellement par ce sujet, ils l'ont été par le passé ou le sauront à l'avenir.
"Aujourd'hui la société ne tourne pas sans ses aidants."
Lucky Link : Qu’est-ce qu’un aidant aujourd’hui ?
Olivier Morice : Les aidants ce sont ces 11 millions de personnes qui peuvent être vous, votre voisin, un membre de votre famille par exemple. Autrement dit, ce sont toutes ces personnes qui s'occupent d'un proche en perte d'autonomie de façon régulière. Quelle que soit la situation ou la nature de cette perte d'autonomie, cela peut être lié à l'âge, à une maladie ou à un handicap.
Lucky Link : Pourquoi est-il important aujourd’hui d’avoir une journée mondiale pour représenter les aidants ?
Olivier Morice : Il y a encore quelques années, une grande majorité d'aidants, ainsi qu'une grande majorité de Français, méconnaissaient ce terme "aidant". Lorsque l'on méconnaît une situation qui représente 11 millions de personnes qui peuvent accompagner et aider dans le silence, si cette situation perdure sous une forme de statut-co, elle mènera à un épuisement d'un nombre catastrophique de personnes.
"Donc il faut rassembler les associations et les aidants pour sortir de cette situation de tabous, pour les amener et les accompagner à oser demander."
En effet, il ne faut pas oublier que nous baignons dans un bain culturel très assignant, sexiste, où l’on nous a dit que « c'était beau, c'était naturel, c'était du sacrifice que c'était normal, ou que vous aurez votre place au paradis ». Donc s'il n'y a pas une association qui s'y oppose ou prouve que l'on peut demander de l'aide, ce genre de discours est assez délétère et peut culpabiliser individuellement les aidants.
Le fait de se dire "j'aide trop", "je suis épuisé", "j'ai besoin de soutiens extérieurs", ne fait pas de vous un mauvais aidant ni une mauvaise personne. Cela signifie que vous vous noyez ou alors vous voulez continuer à être aidant mais vous n'avez plus envie de tirer un trait sur votre vie passée, votre vie sociale, et de simplement pourvoir vivre une vie digne et équilibrée.
Lucky Link : Qu’est ce qui est fait pour les aidants aujourd’hui ?
Olivier Morice : Encore aujourd'hui, tout dépend de la situation de la personne à accompagner. Nous n'avons pas tous les mêmes droits ni les mêmes interlocuteurs selon les différentes situations. Cela va être différent si nous sommes parents d'enfants porteurs d'un handicap lourd, si nous sommes à la fois âgés et enfant d’une personne très âgée qui perd son autonomie à cause d'une pathologie dégénérative ou si nous sommes un adulte de 50 ans qui s'occupe de son époux ou de son épouse de 48 ans qui a une maladie grave, comme un cancer. Par exemple, si l'on relève du handicap nous avons comme interlocuteur la Maison Départementale des Personnes Handicapées. Alors que si l'on relève d'une perte d'autonomie liée à l'âge, ce sera le département via différents dispositifs, comme les CLIC, ou les droits à l'APA (l’Allocation relative à la Perte d'Autonomie).
"Seulement si nous regardons les autres catégories ou des catégories à moindre ampleur, nous observons qu'il y a beaucoup de trous dans la raquette."
C'est pour cela qu'il est essentiel de faire une transition de pensée, de paradigme ou une transition presque culturelle pour reconnaître et considérer les aidants à part entière et pas seulement comme des aidants à travers la personne dont ils prennent soin. Nous les reléguons encore en tant que moyen et non pas en tant que fin en soi. Ce sont des existences mises entre parenthèses alors que ce sont des gens qui ont des ambitions propres et qui ont envie de vivre une vie normale.
Lucky Link : Nous facilitons la collaboration entre les patients et les entreprises de santé. Qu'en pensez-vous ?
Olivier Morice : Nous avons quelques fois certaines recettes d'entreprises un peu calquées qui sont proposées et qui répondent à l'empressement de certains RH qui se disent "Je commence à voir les aidants en burn out, dans le turn-over de mon entreprise, qu'est-ce que je peux mettre en place? Je n'y connais rien." et se précipite sur la première solution venue sans passer par de l'expertise de l'aidant ni par un audit interne des vrais besoins de leurs aidants. C'est dommage parce que toute la spontanéité bienveillante de ces RH qui essayent de mettre quelque chose en place, viennent aboutir à des solutions qui ne sont pas des solutions optimales. C'est pour cela que j'apprécie l'approche de Lucky Link, qui se réalise à partir du besoin des personnes touchées pour construire quelque chose de pertinent.
Lucky Link : Quel message avez-vous envie de faire passer aux entreprises sur la situation des aidants ?
Olivier Morice : Nous estimons aujourd'hui avoir 15 à 20% du staff de chaque entreprise qui sont en situation d'aidants. Seulement, très peu de RH le savent. Beaucoup de RH se demandent pourquoi telle personne qui a 30 ans d'expérience dans une entreprise se retrouve en burn-out sans avoir de véritables explications.
Il est donc temps d'investiguer pour voir et comprendre ce qui se cache derrière et réaliser que l'on ne remplace pas du jour au lendemain une personne qui a 30 ans d'expérience dans l'entreprise. Si aujourd'hui nous décidons de creuser derrière ces tabous, non seulement cela permettrait à ces gens qui le veulent, de rester dans l'emploi mais cela préparera également l'entreprise de demain.
En effet, dans les décennies à venir, la question de la prise en charge de la perte d'autonomie au niveau sociétal va prendre une grande ampleur. Elle va se refléter sur les aidants qui vont avoir également une ampleur considérable qu'ils n'ont pas eue jusqu'à présent, même si aujourd'hui ils sont absolument indispensables mais sont encore trop invisibles.
" Il est crucial, impératif, extrêmement urgent, que les entreprises s'emparent aujourd'hui de cette question. "
Lucky Link : Qu’est ce que vous apporte le partenariat établi entre le collectif «Je t’aide » et les laboratoires pharmaceutiques TEVA ?
Olivier Morice : Depuis 5 ans, nous sommes partenaires avec TEVA. C'est un partenaire qui a cru en nous et qui nous a beaucoup soutenu à une époque où nous étions une micro-association. Nous sommes extrêmement fiers de ce partenariat et de tout ce que l'on a pu co-construire avec eux.
Je pense notamment à des réflexions qu'on a eues sur "Comment allons-nous procéder pour aller vers les aidants ? ". Autrement dit, aller vers les aidants signifie d'aller au cœur de la société. Les aidants, c'est vous, c'est moi qui pouvons nous retrouver dans des pharmacies. Donc l'idée pour ces pharmaciens qui voient des aidants fatigués arriver avec de nombreuses ordonnances qui ne sont pas pour eux, mais pour un proche, était de jouer un rôle. En effet, ils peuvent donner un surplus d'humanité à leur travail en repérant les aidants et en les informant. Pour eux, nous allons développer avec TEVA, une box qui s'appelle "la box aidant", qui donne les principales clés sur ce que représente un aidant, les grands chiffres, les principales situations, vers qui se tourner, quels sont les principaux droits et les principaux interlocuteurs. C'est donc un outil clé en main que l'on a pu co-créer avec TEVA et diffuser grâce à eux.
" Cela fait partie de ces réalisations dont nous sommes fiers. "
Lucky Link : Un défi à nous lancer ?
Olivier Morice : Réussir à amener le plus tôt possible, toutes les entreprises à se tourner vers les aidants et qu'elles mettent en place des dispositifs de conciliation vie pro-vie perso.
L'ensemble des propos cités ont été recueillis lors d'une interview réalisée et montée par Oriane Bismuth, Baptiste Saussine et Audrey Le François.
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Pour en savoir plus sur l'association "Je t'aide" et son partenariat :
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